✍️ Par Prospérin Tsialonina – Consultant en stratégie, entrepreneur et expert en développement de l’écosystème des affaires à Madagascar et en Afrique francophone.
Introduction : L’entrepreneuriat n’est jamais solitaire
À Madagascar, le mot "entrepreneur" suscite espoir, courage et résilience. Mais aussi frustration. Beaucoup de porteurs de projets se heurtent à des murs invisibles : lenteurs administratives, manque de financement, isolement ou simple absence de reconnaissance. Pourquoi ?
Parce que l’entrepreneuriat n’évolue pas seul. Il s’inscrit dans un écosystème, c’est-à-dire un ensemble d’acteurs, d’institutions et de conditions interconnectées qui influencent directement sa réussite ou son échec.
Voici une lecture structurée de cet écosystème à travers 7 piliers fondamentaux, inspirés des travaux de Schumpeter (1934) et adaptés à la réalité malgache actuelle.
1. Le Marché : encore trop informel et fragmenté
Un entrepreneur peut avoir le meilleur produit du monde, s’il ne trouve pas de clients solvables, tout s’arrête.
Enjeux :
- 80% de l’économie est informelle, ce qui limite la traçabilité et la visibilité des acteurs formels.
- Faible pouvoir d’achat, surtout en zones rurales.
- Accès difficile aux marchés publics (marchés captifs, corruption, lourdeurs administratives).
Exemple :
Une entrepreneure de Fianarantsoa qui produit des jus artisanaux peine à élargir sa distribution, car les supermarchés imposent des normes logistiques et légales qu’elle ne peut pas satisfaire seule.
Solutions :
- Mutualiser les circuits de distribution via des coopératives ou marketplaces locales.
- Accompagner la structuration des chaînes de valeur (agro, textile, artisanat, numérique).
2. Supports : encore trop centralisés à Antananarivo
Un entrepreneur isolé finit par s’essouffler. Il a besoin de mentors, d’accompagnateurs, d’incubateurs, de formation, de communautés.
Acteurs clés :
- Orange Digital Center, Le CEENTRE, Zafy Tody, NextA, l’EDBM, les chambres de commerce...
- Programmes comme Fihariana, PEJAA, Lombao...
- Le Groupe KENTIA, à travers ses sociétés offre plusieurs solutions comme la formalisation et la domiciliation de l'entreprise, des bureaux de travail (coworking ou bureaux privés), la formation, l'externalisation RH, fiscale, marketing...
Exemple :
À Mahajanga, un porteur de projet en biogaz a dû attendre un an pour obtenir un appui technique, faute d’antenne locale.
Propositions :
- Créer des centres de ressources régionales, connectés mais autonomes.
- Digitaliser l’accompagnement (ateliers en ligne, coaching WhatsApp, MOOC).
3. Cadre réglementaire et infrastructures : frein ou levier ?
Créer son entreprise, déclarer ses revenus, exporter... Tout cela devrait être simple. À Madagascar, ce n’est pas encore le cas.
Réalités :
- Délais administratifs parfois supérieurs à 3 mois pour une demande spécifique (autorisations, licences, etc.).
- Accès irrégulier à l’électricité en dehors des centres urbains.
- Logistique intérieure coûteuse.
Exemple :
Une PME d’Andilamena spécialisée dans le cacao bio a dû abandonner une commande internationale faute de container frigorifique disponible.
Pistes de réforme :
- Digitalisation complète du guichet unique.
- Incitations fiscales pour les entreprises de l’intérieur.
- Déploiement de ZES (zones économiques spéciales) bien équipées.
4. Financement : la muraille invisible
Le besoin en financement est la plainte n°1 de la majorité des jeunes entreprises.
Obstacles :
- Banques frileuses, garanties demandées élevées.
- Faible culture financière des entrepreneurs (BFR, marge, rentabilité).
- Faible présence des business angels.
Initiatives intéressantes :
- FIARO (capital-investissement).
- Miarakap (capital-investissement).
- Fihariana (prêts d’amorçage).
- Anava (fonds d’innovation).
Exemple :
Une startup tech développant une solution de traçabilité agricole n’a pu obtenir son premier financement que via un concours à Nairobi, faute d'alternatives locales.
5. Soutien culturel : redonner ses lettres de noblesse à l'entrepreneur
Dans une société qui valorise la sécurité (poste fixe, diplômes, ONG), le choix d’entreprendre est souvent mal compris.
Symptômes :
- La peur de l’échec freine les jeunes.
- Les parents préfèrent “fonctionnaire” à “fondateur”.
- Peu de modèles entrepreneuriaux visibles à la télé ou dans les livres scolaires.
Actions concrètes :
- Partager des histoires de réussite ancrées localement.
- Introduire l’éducation entrepreneuriale dès le lycée.
- Organiser des concours dans toutes les régions (pas seulement dans les capitales).
6. Universités & Grandes Écoles : déconnectées ou catalyseurs ?
La plupart des écoles forment à l’emploi, rarement à la création d’entreprise.
Exemples positifs :
- INSCAE, ENI Fianarantsoa, ESPA, ISCAM : quelques modules de business ou de simulation de projets.
- Clubs entrepreneuriaux étudiants
Propositions :
- Lancer des pépinières entrepreneuriales sur campus.
- Mettre en place un module interdisciplinaire obligatoire : “Créer, tester, pivoter”.
7. Capital humain & formation : le socle oublié
La qualité des entrepreneurs dépend de la qualité de leur formation initiale et continue.
Constat :
- Faible maîtrise des outils numériques.
- Manque de savoir-être (présentation, relation client, négociation).
- Peu de formation pratique post-scolaire.
Initiatives :
- KENTIA-FORMATION sarl, Leaders for Tomorrow, programmes de l’AFD ou d’USAID.
Besoin :
- Créer des “FabLabs ruraux” pour former rapidement les jeunes aux métiers utiles (énergie, agrotransformation, artisanat digital).
Conclusion : Vers un écosystème entrepreneurial malgache résilient
Le développement économique de Madagascar ne repose pas uniquement sur les grandes entreprises ou les aides extérieures. Il repose sur la capacité de ses citoyens à entreprendre, innover et créer de la valeur. Mais pour cela, ils ont besoin d’un terrain fertile.
Ce terrain, c’est l’écosystème entrepreneurial. Le rendre vertueux est une responsabilité collective : de l’État, des investisseurs, des éducateurs, des bailleurs, et de chaque citoyen.
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Construire un écosystème entrepreneurial vertueux à Madagascar : 7 piliers à renforcer pour une croissance durable