Une question cruciale pour nos entreprises
À Madagascar, l’accès aux services bancaires reste un défi majeur. Le pays affiche l’un des taux de bancarisation les plus faibles du continent : seulement 5 à 10 % des adultes disposent d’un compte bancaire, soit environ 18 % des ménages.
Pour les petites et moyennes entreprises (PME), cette situation se traduit par un paradoxe : d’un côté, elles ont besoin d’une relation bancaire solide pour croître ; de l’autre, les frais et les conditions imposées deviennent un véritable fardeau.
Mais pourquoi les services bancaires sont-ils si coûteux ? Comment cela se compare-t-il avec d’autres pays comme l’Allemagne ou le Maroc ? Et surtout, quelles solutions pourraient être mises en place pour soutenir davantage les PME malgaches ?
La réalité des banques à Madagascar
Un taux de bancarisation très faible
Madagascar reste largement en marge de l’inclusion financière. Quand plus de 60 % des adultes en Afrique du Nord sont bancarisés, notre pays plafonne à moins de 10 %.
Ce faible nombre de clients oblige les banques à répartir leurs coûts fixes sur un volume réduit, ce qui entraîne mécaniquement une tarification plus lourde pour chaque client.
Des frais bancaires lourds pour les PME
Prenons un exemple concret :
- 35 000 Ar par mois de frais de tenue de compte (~7 €).
- 10 000 Ar (≈ 2 €) pour chaque retrait de chèque.
- 18 000 Ar (≈ 3,5 €) pour chaque virement.
À l’échelle d’une PME qui effectue plusieurs opérations par mois, la facture grimpe vite.
Pour une économie où la majorité des entreprises sont des PME, ces coûts deviennent un frein considérable.
Un taux d’emprunt décourageant
À cela s’ajoute le coût du crédit : le taux d’emprunt moyen à Madagascar avoisine 18 %.
Pour un entrepreneur qui souhaite investir, ces conditions rendent quasiment impossible la mise en œuvre d’un projet rentable.
Mobile Banking : une alternative… encore plus chère
Le mobile banking s’est développé rapidement dans le pays et est souvent présenté comme une solution d’inclusion financière. Mais pour les PME, il ne résout pas le problème des coûts.
- 4 à 5 % de frais à la réception d’argent.
- 4 à 5 % de frais supplémentaires lors du paiement.
En clair : une entreprise qui reçoit 1 000 000 Ar (≈ 200 €) n’encaisse réellement que 900 000 Ar.
Près de 10 % disparaissent en frais de transaction.
Pour de petites sommes, cela peut sembler supportable. Mais pour des flux financiers importants, c’est tout simplement intenable.
Le problème du taux de change
Autre difficulté : le change appliqué par les banques.
- Taux officiel du marché : 5 100 Ar pour 1 €.
- Taux proposé par les banques : 4 750 Ar.
Cette différence paraît minime, mais elle devient colossale pour des importations.
Sur une facture de 100 000 €, une PME perd déjà 7 000 € (≈ 35 millions Ar) rien qu’à cause de l’écart de taux.
Sachant que de nombreux intrants et matériels doivent être importés d’Europe, cet écart réduit drastiquement la compétitivité des PME locales par rapport aux grands groupes.
Comparaison internationale : Allemagne & Maroc
Allemagne : un service optimisé pour le client
Même chez Deutsche Bank, une des banques réputées les plus chères :
- Si le solde est inférieur à 5 000 €, les frais sont de 40 €/trimestre (≈ 200 000 Ar).
- Si le solde reste supérieur à 5 000 €, la gestion du compte est gratuite.
- Les services de base (carte Visa, dépôts, retraits) sont inclus.
En clair, la banque valorise la fidélité et récompense les clients qui assurent une certaine stabilité.
Maroc : des offres PME abordables
Au Maroc, les banques proposent des formules plus compétitives :
- Frais de tenue de compte : 15 dirhams/mois (≈ 1,4 €).
- Pack PME : 33 dirhams/trimestre (≈ 3 €).
- Des forfaits qui incluent virements et services de base.
Pour une PME, la différence est flagrante : 1,4 € au Maroc contre 7 € à Madagascar, juste pour garder un compte ouvert.
Écart flagrant
- Madagascar : 7 €/mois de frais fixes.
- Maroc : 1,4 €/mois.
- Allemagne : gratuit sous conditions.
Les grandes entreprises, elles, ont trouvé la parade
Les grands groupes ne subissent pas ce problème de la même manière.
Leur stratégie ?
- Créer leur propre banque interne.
- Ou prendre des participations dans des banques établies.
Cela leur permet de réduire leurs frais financiers et d’optimiser leurs opérations.
Mais pour une PME, cette option reste hors de portée.
Quelles solutions pour les PME malgaches ?
Le modèle coopératif
En Europe et au Maroc, les banques coopératives ont prouvé leur efficacité.
- Les clients en sont aussi les membres.
- Les bénéfices sont réinvestis ou redistribués.
- Les frais sont ajustés aux réalités locales.
Pour Madagascar, ce modèle pourrait représenter une véritable révolution : permettre aux PME de mutualiser les coûts et de reprendre la main sur leur trésorerie.
La digitalisation maîtrisée
Les solutions fintech offrent des alternatives intéressantes. Mais pour être viables, elles doivent éviter la dérive des frais excessifs.
Un encadrement réglementaire ou un plafonnement des frais pourrait être une piste.
Un dialogue nécessaire entre banques et PME
Les banques pourraient développer des produits spécifiques pour les PME : packs simplifiés, frais dégressifs, accompagnement personnalisé.
Cela renforcerait non seulement la bancarisation, mais aussi la croissance du tissu économique local.
Conclusion : frein ou levier ?
Aujourd’hui, les PME malgaches supportent un poids financier que même les grandes entreprises européennes n’auraient pas accepté.
- Frais bancaires fixes,
- Taux d’emprunt à 18 %,
- Frais de mobile money à 10 %,
- Écarts de change pénalisants.
Mais il existe des solutions. Des modèles coopératifs, des outils mutualisés et un dialogue constructif pourraient transformer les banques d’un frein en véritable levier pour le développement.
La vraie question est : les PME malgaches sont-elles prêtes à se regrouper pour inventer leur propre modèle ?
Banques à Madagascar : un frein ou un levier pour nos PME ?